+ teach me how to surf (trent)

« Ouvre, c’est moi. » disais-je, en toquant machinalement devant le domicile de Trent. Bien sûr qu’il savait que j’étais là. J’étais la seule hystérique à toquer à la porte tant que celle-ci ne s’ouvrait pas. Après quelques secondes de bataille sans merci entre ma main et la porte, ma main finissait gagnante et moi, satisfaite. A peine la porte ouverte, je pénétrais dans la maison de Trent en lui ébouriffant les cheveux au passage. Il ne supportait pas ça, monsieur. Il n’aimait pas que l’on dérange son bordel capillaire comme il disait si bien. En regardant son intérieur, je constatais pas mal de bazar. Tout ce que j’avais fait la veille semblait être en désordre à nouveau. Je tournais la tête en direction de mon ami, fronçant les sourcils. « A quoi ça sert de ranger, si le lendemain je retrouve tout en mode dépotoir. » Je soupirais, tripotant machinalement ma petite balle en mousse qui me servait d’anti-crise de maniaque compulsive. Je changeais soudainement de regard, et même d’humeur. En fait, j’étais venue soumettre mon idée du jour. Enfin ma sortie du jour. Et je savais que j’allais l’y traîner de force. C’était toujours comme ça, trop souvent. Mais j’étais une têtue, une coriace. Je sentais qu’il finirait par m’apprécier un jour, comme je suis. « La Push, surf. Pas d’objection, ni de dernier CD de Mozzart à écouter d’urgence, on y va. » disais-je, en sortant mes clefs de voiture. Traînant de force Trent par le bras, je le laissais monter côté passager. Le temps et la météo ne se prêtait guère à ce type de sport. Mais une fois vêtue d’une bonne combinaison, le froid n’était qu’une simple sensation légèrement désagréable… Enfin, ça c’était avant que je constate le vent glacial qui soufflait à la Push. Prenant une longue inspiration, je sortais de ma Cadillac et invitait Trent à faire de même. Quelques minutes plus tard, j’étais en combinaison bien prête à apprendre les rudiments du surf. Je savais que Trent se débrouillait plutôt bien. Et tout comme ma sœur, je désirais apprendre. Rien de plus normal hein ? Puis ça pouvait m’éviter aussi de payer un professeur de sport accessoirement. « Tu serai capable d’apprendre à Hazel à tenir au moins debout sur une planche ? » disais-je, avec un air déconfit. Trent me tirait la tronche depuis le départ de son domicile. Pas grave, j’étais habituée. Il allait se décoincer rapidement, du moins je l’espérais. Au risque qu’il m’envoie pour la énième fois balader. Ça aussi, c’était une question d’habitude.

Un week end comme les autres, je me prélassais dans ma maison, trainant des pieds sur le paquet vieilli par le passage. Je n'avais vraiment envie de rien aujourd'hui et ma journée se résumerait à trainer dans le canapé en zappant tout en surfant sur le net. Enfin, si je pouvais faire ça, ce serait le pied. C'est sans compter Hazel qui viendra faire des siennes. Je parie qu'elle ne va pas tarder d'ailleurs. Toc toc toc. Bingo.

- Ouvre, c’est moi.
- Non !

Mes paroles contredisent mes actes puisque presque aussitôt, j'arrivais devant la porte et la lui ouvrais. Faut dire, elle n'arrêtait pas de toquer et j'ai eu pitié de sa main. Sérieusement, je sais pas pourquoi ni comment, mais je ne pouvais pas en vouloir bien longtemps à cette fille. Elle m'exaspérait au plus haut point mais je cherchais toujours à la revoir. Et c'était tout le temps comme ça. Épuisant au final. Dans mon habitation, elle faisait comme chez elle, inspectant tous les recoins comme si c'était ma mère.

- A quoi ça sert de ranger, si le lendemain je retrouve tout en mode dépotoir.
- Au pire, tu n'es pas obligée de te donner autant de peine et laisser tout comme c'est. Ça t'évitera de toujours ranger tout.

J'avais beau soumettre cette idée à chaque fois, elle ne le respectait pas et rangeait tout. Aujourd'hui, c'était différent. Je le voyais à son visage : elle avait une idée en tête. Et je savais également que ça n'allait pas tarder à sortir de sa bouche.

- La Push, surf. Pas d’objection, ni de dernier CD de Mozart à écouter d’urgence, on y va.

Je n'ai même pas le temps de dire quoique ce soit qu'elle m'entraine dans sa voiture et me verrouille dedans. Bref, je n'avais pas mon mot à dire et ça m'énervait. Pour cette simple raison, je boudais. C'était gamin oui, mais je n'avais aucune autre façon en tête pour réprimer mon mécontentement. Du surf, à cette période de l'année et avec le temps qu'il faisait, c'était vraiment de l'insouciance. En quelques minutes après notre arrivée à la Push, elle était prête et tellement enthousiaste. Je jurais à moi même qu'elle allait très vite le perdre, son enthousiasme. Je terminais d'enfiler à mon tour une combinaison puisque, malheureusement, je devrai me mouiller dans l'histoire.

- Tu serai capable d’apprendre à Hazel à tenir au moins debout sur une planche ?
- Tout ne dépend que de toi, on va bien voir. Bon, attrape une planche et suis moi.

Je continuais de tirer la gueule parce que je n'étais pas content. Mais plus vite ce serait terminé, plus vite je pourrai rentrer chez moi. Je pose alors ma planche sur le sable et l'invite à en faire de même. Je me mets finalement face à elle.

- Bon, allonge-toi sur le sable et entraine toi à te relever rapidement, comme si tu étais sur une planche.

Le B-A-BA du débutant en surf. Je jure que si elle me demande pourquoi on est pas dans l'eau, je m'énerve. Sûr et certain, je m'énerve !

Comme d’habitude, Trent tirait la tronche. Même si je le remarquais, je n’en prenais pas compte. C’était probablement ça, qui l’agaçait. Je dépassais ses sautes d’humeurs en jouant l’indifférence. Je me foutais de savoir s’il était de mauvaise humeur ou pas. J’aimais passer du temps avec lui, même si son incroyable bordel et sa nonchalance n’étaient pas forcément séduisants. Je comprenais en même temps son humeur exécrable. Je le sortais de sa tanière, pour un endroit pas vraiment chauffé. Et un vent glacial qui traversait sans problèmes son épiderme sensible. « Bon, allonge-toi sur le sable et entraine toi à te relever rapidement, comme si tu étais sur une planche. » En gros, je devais faire le cachalot qui s’écrasait lamentablement sur le sable attendant qu’un pêcheur daigne le ramasser. « Bon, ça ne devrait pas être si difficile que ça. » disais-je, en observant ma planche du coin de l’œil. Parfois, je me demandais pourquoi je venais de l’embarquer ici. Il allait probablement se foutre de moi, comme il n’avait jamais fait. Comme si moi, j’allais lui apprendre à faire le ménage et me moquer de son allure à tenir un balai. C’était la même chose. J’observais la planche de surf comme si je venais de voir un ovni. Bon, quand il faut y aller… Faut y aller. Je m’allongeais sur celle-ci, en regardant droit devant moi. Je comptais dans ma tête jusqu’à trois, puis je tentais de me relever. Enfin me relever était un bien grand mot. Je trouvais le moyen de faire glisser mon pied sur la planche et me retrouver à la position initiale : à plat ventre. J’avais envie d’éclater de rire, mais je me retenais. Histoire de montrer que j’étais un minimum sérieuse. Je me planquais sous mes cheveux, pour ne pas me faire repérer. Trent lui, ricanait déjà de tout son être. « Je commence bien. » disais-je, en osant affronter son regard. D’ailleurs, j’avais envie d’aller dans l’eau. Pourquoi d’ailleurs je ne commençais pas là ? « Et pourquoi, on ne pourrait pas nager sur la planche dans l’eau d’abord ? » disais-je, interrogative. Je devais probablement passer par l’étape gamelle sur le sable, avant de passer au palier supérieur. J’allais en boire des tasses dans quelques minutes. Autant profiter de l’air, tant que j’en avais dans les poumons.

Elle ne réagissait pas au fait que je faisais la gueule et ça me mettait encore plus en rogne. Merde quoi, elle réussit à me faire faire quelque chose que je ne veux pas faire, elle est forte cette fille. Trop forte. Je ne suis qu'un simple homme qui veut rester chez lui, au chaud devant un bon feu de bois et je termine, par sa faute, en train de geler au bord de la mer par un vent glacial.

- Bon, ça ne devrait pas être si difficile que ça.

Je me mis à rire. Bref, elle n'a pas réellement écouté mes indications et exécute l'exercice sur sa planche. Quelque part, je devais me douter de ce qui allait se passer, c'était tellement évident. Tentant de faire ce que je lui disais, elle s'est allongée sur la planche et, fixant droit devant elle, a tenté de se lever d'une vitesse que je lui connaissais bien. Seulement, avec le vent et les vagues derrière nous, de l'eau a éclaboussé sur la planche et elle a glissé, comme une crêpe. Résultat ? La voilà encore allongée sur la planche et je suis tordu de rire face à cette scène.

- J'ai qu'une chose à dire : mémorable !

Ne pouvant m'arrêter de rire pour le moment, je m'installais en tailleur par terre sur le sable, continuant de la regarder alors qu'elle restait immobile sur la planche, me regardant également en retour. Enfin, c'était difficile à dire puisqu'elle se cachait sous ses cheveux sombres.

- Je commence bien.
- Très bien même ! T'as réussi à me faire oublier la colère que j'avais contre toi. C'est un exploit en si peu de temps.

Elle avait l'habitude de cette attitude que j'avais envers elle. Faut dire, elle n'est pas facile à vivre alors quand elle me colle, bouge tout chez moi et me fait des réflexions que je n'aime pas, forcément je m'énerve contre elle. Mais aussi bizarre que ce soit, ça ne dure pas très longtemps puisqu'elle me manque presque aussitôt.

- Et pourquoi, on ne pourrait pas nager sur la planche dans l’eau d’abord ?
- Tu veux que je t'apprenne à ma manière oui ou non ? Il faut apprendre à marcher avant de courir.

J'esquissais alors un petit sourire, me remémorant la scène qui venait juste de se passer sous mes yeux. J'allais la charrier avec ça, c'était une certitude.

- Bon, on reprend mais ce coup-ci, sans la planche, à même le sable. Je te montre.

Afin qu'elle ait un exemple sur lequel s'appuyer, je m'allongeais à ses côtés, sur le sable, et j'exécutais le mouvement à reproduire. Aussi simple comme bonjour, je me retrouvais sur mes deux pieds.

- A toi.

Je me sentais terriblement honteuse. Il fallait qu’une vague percute ma planche au moment précis où je devais me relever. C’était presque comme calculé. Qui sait, c’était probablement un coup de Trent pour une énième moquerie. J’allais encore jouer l’indifférente, celle qui n’allait pas prendre ça au sérieux. Mais là, c’était juste… misérable et honteux. J’avais envie de m’enterrer sous le sable. Trent allait probablement m’aider à creuser le trou. C’était sa façon à lui, bien cynique, de me dire qu’il m’appréciait. J’en étais certaine, même s’il me repoussait de tout son être. Mais pour le faire parler… Autant s’adresser à une plante morte avant, c’était la même chose. « J'ai qu'une chose à dire : mémorable ! » Je boudais, pratiquement. J’étais foutue pour plusieurs jours avec ça. Je le connais trop bien. « C’est même pas drôle. » disais-je, en essayant de cacher ma déception. Bien évidemment, dans quelques secondes, je retrouvais tout mon sérieux et ma bonne humeur naturelle. « Très bien même ! T'as réussi à me faire oublier la colère que j'avais contre toi. C'est un exploit en si peu de temps. » C’est fou ce qu’il pouvait être cynique mais en même temps tellement attirant. A croire que j’étais quand même légèrement masochiste pour aimer quelqu’un qui n’arrêtait pas de m’envoyer balader. « Tu es toujours en colère. Ça ne change rien au quotidien. » Hum, vérité qui allait probablement lui faire mal ou l’enrager encore plus. Tant mieux, ça me purifiait moi au fond. « Ok papa, je te suis. » disais-je, en l’observant se rapprocher de moi. Mon cœur battait à la chamade. Je ne devais certainement pas me laisser perturber par le moindre de ses regards ou même ses gestes. Je l’observais, silencieuse, s’exécuter. Je me demandais depuis combien de temps il faisait du surf. Je ne lui avais jamais posé la question, en fait. Je savais juste qu’il en faisait. Mais bon, ce n’était certainement pas le bon moment pour commencer à l’assommer avec mes questions parfois inutiles. Je me replaçais convenablement à plat ventre sur le sable en jetant un œil aux vagues. Hors de question de finir comme précédemment. Je m’appuyais sur mes bras, pour prendre un certain élan. Je parvenais à revenir sur mes deux pieds et debout. Relevant mes deux mains, j’en étais presque surprise. « J’AI REUSSI !! » disais-je, en m’applaudissant. Bon, je devais quand même recommencer histoire de voir si ce n’était pas qu’un coup de chance également. Mais là, je lui en mettais plein la vue. Et toc !

Je voyais bien qu’elle avait honte de ce qui venait de se passer, surtout parce que j’étais en train de rire de la situation. Mais je n’y pouvais rien. Je ne maîtrise pas l’eau, ni le vent et encore moins Hazel. Enfin, quoiqu’il en soit, je dois attendre qu’elle se relève pour qu’on puisse continuer le cours que je lui faisais.

- C’est même pas drôle.
- Bien sûr que si.

Ok, de son point de vue, c’est loin d’être drôle vu qu’elle venait de se ramasser comme une crêpe, mais de l’extérieur, c’était vraiment hilarant comme vue. Je me calmais doucement alors qu’elle se ressaisissait à son tour. Je lui avouais alors qu’elle avait réussi à faire partir ma colère que j’avais envers elle.

- Tu es toujours en colère. Ça ne change rien au quotidien.

Je me renfrognais. Comme d’habitude, elle avait raison et ça avait le don de m’énerver. Oui, je suis toujours en colère, mais j’avais de bonnes raisons de l’être puisqu’elle faisait toujours interruption dans ma vie alors que je ne le souhaitais pas. Donc c’est une colère légitime. Je pris le choix de ne pas faire de réflexion dessus, bien que ce n’est pas l’envie qui m’en manque. A la place, je lui disais de prendre exemple sur moi puisque j’allais lui montrer comment faire.

- Ok papa, je te suis.
- Bien.

Je lui montrais alors ce qu’il fallait faire et j’attendais debout qu’elle le fasse à son tour, puisque le but de la manœuvre, c’est qu’elle y arrive. Elle se place correctement pour le faire à même le sable. Je vois bien qu’elle vérifie le niveau des vagues pour pas qu’elles ne l’atteignent encore une fois. Prise de concentration, elle réussit avec succès l’épreuve que je lui demandais de faire et, mine de rien, j’avais un petit sourire aux lèvres.

- J’AI REUSSI !!
- Yaaay !

J’applaudissais doucement alors qu’elle n’y allait pas de main morte. Elle était fière d’elle et n’hésitait pas à le montrer. Il faut dire, Hazel était le genre de fille à laisser aller ses émotions et ne pas faire attention à ce que pensent les autres lors de ces moments-là. Elle recommence, histoire d’être sûre de bien y arriver. Bon, va falloir d’attaquer à l’eau maintenant, ce n’est pas si facile que ça.

La honte que j’avais ressentie il y a quelques minutes, venait aussitôt de se dissiper par un sentiment glorieux et victorieux. Certes, ce n’était qu’un premier pas dans l’apprentissage du surf mais c’était un grand pas pour moi. Quand j’allais raconter ça à Cordelia en rentrant… Bref, je devais continuer. Apprendre à surfer était long et délicat et je savais que je n’allais pas tout faire en un seul jour. A moins que Trent soit excellent. Pas sûr qu’il ait envie de continuer après ce que je venais de lui balancer à la figure. En même temps, je ne faisais que lui dire la vérité et même si ça ne lui plaisait pas. De toute façon, à chaque fois que j’étais dans les parages, il était en colère. Et dès que je partais, il me rappelait aussi sec. Je ne le comprenais pas vraiment à vrai dire. J’allais en apprendre sur lui, de jour en jour. Je l’observais en train de m’applaudir. Etait-il sincère ou faisait-il ça encore une fois pour se moquer de moi ? Je m’arrêtais de me féliciter, j’en avais assez eu. Je me reconcentrais pour exécuter une nouvelle fois le mouvement. A plat ventre, regard droit vers les vagues, appui sur mes bras et hop debout. Je souriais, soulagée par ce nouvel exploit. Au moins, je savais que ce n’était pas un coup de chance. « Tu vois, tu sembles être un bon professeur ! T’a songé à te reconvertir ? » disais-je, satisfaite de moi. C’est vrai qu’avec son métier d’ambulancier, ça n’avait rien à voir avec son caractère. Mais peut-être qu’il se plaisait à faire ça. Moi, j’adorais être bibliothécaire. J’avais toujours un bouquin sous la main. Tous les soirs, je lisais avant de dormir. C’était une passion avant de devenir un métier. « Bon, professeur Jacobs… On attaque quoi maintenant ? » disais-je, en me rapprochant de lui. J’étais impatiente d’écouter ses consignes. Le regardant dans les yeux, j’attendais silencieusement qu’il daigne poursuivre ce cours improvisé. Mais je le sentais brusquement mal à l’aise. Intriguée, je n’osais pas lui demander pourquoi cette gêne était présente. Il était comme ça, totalement imprévisible. Un peu comme moi.

Je voyais bien que la réussite d'Hazel pour cet exercice, plusieurs fois de suite, effacerait sa honte et déception du premier essai. Forcément, la réussite de n'importe quel projet entreprit apportait toujours satisfaction. Enfin, ce n'est qu'une première étape dans un long voyage. Apprendre à surfer n'est pas si facile, surtout quand on est gauche comme Hazel. Je parle en connaissance de cause. Elle continuait une seconde fois pour être sûre de tenir le bon mouvement pour ensuite le reproduire dans l'eau. Cette partie, par contre, n'était pas si simple puisqu'il faut l'exécuter au bon moment. Le savoir est loin d'être évident.

- Tu vois, tu sembles être un bon professeur ! T’a songé à te reconvertir ?
- Me reconvertir ? Être ambulancier me convient parfaitement, j'en vois pas l'utilité.

Bon, je n'aimais pas trop parler de moi, ma vie, mes choix. Elle le savait. Même si ça pouvait m'énerver, j'essayais de ne pas en tenir rigueur. Je suis bien tenté de vouloir rentrer chez moi mais bon, on a commencé le surf, autant y aller jusqu'au bout. Enfin, jusqu'à ce que j'en aie vraiment marre.

- Bon, professeur Jacobs… On attaque quoi maintenant ?

Elle s'était approchée de moi, très près. Trop près. Soudainement, alors qu'elle me regardait dans les yeux, je me suis pris d'une gêne. J'étais mal à l'aise de cette approche pour une raison qui me dépassait. Doucement, je me reculais tout en lui donnant les consignes à suivre pour la suite du cours.

- Tu veux aller dans l'eau ? Autant voir tout de suite si tu te débrouilles comme un poisson dans l'eau.

Lui donner des conseils sur sa vie active n’était pas forcément approprié. Il se fermait automatiquement comme une huître que je forçais à ouvrir pour la manger. Je ne savais pas grand-chose sur sa vie personnelle en réalité, juste quelques petites brides de souvenirs qu’il me faisait partager quand il en avait envie. Je décidais de ne pas poursuivre sur cette conversation vu le ton de sa réponse. Je secouais légèrement la tête avant de me reconcentrer vers l’océan, passant outre le fait que je venais de le mettre mal à l’aise. Les vagues étaient quand même fortement agitées aujourd’hui. Une chose était certaine : j’allais boire la tasse, et pas qu’une seule fois. « Tu veux aller dans l'eau ? Autant voir tout de suite si tu te débrouilles comme un poisson dans l'eau. » Il disais ça d’une telle façon, que je sentais que cette suite du cours n’allait pas être si agréable que ça pour moi. De toute façon, je devais me lancer. Je n’allais pas rester sur le sable toute la journée. Surfer sur le sable… Au moins, c’était probablement moins dangereux. Je prenais ma planche en faisant un signe de tête à Trent pour qu’il me suive. J’avançais doucement, puis j’entrais dans l’eau délicatement. Même si ma combinaison était assez épaisse pour ne pas sentir la froideur de l’eau, je sentais tout de même un petit courant d’air qui me fit frissonner. J’essayais de monter sur la planche de surf pour me mettre à plat ventre. Comme Trent me l’avait montré sur le sable. Malheureusement, ce n’était pas stable. Je devais m’y reprendre à plusieurs fois, après quelques gamelles dans l’eau, pour arriver à rester stable. Une fois sur la planche, je fus soudainement prise de panique. Mes mains essayaient de faire avancer la planche mais celle-ci ne bougeait pas. C’est alors une grosse vague se formait, et fonçait droit sur moi. Je sentais ma sentence arriver. Je me bouchais le nez, tout en sachant que j’allais boire une énorme tasse et me retrouver séparée de ma planche. PLOUUUUUUUUUUF… Ma planche se renversait, me laissant choir dans l’eau comme une vulgaire chose sans défense. Dans la panique, je lâchais ma main pour me remonter à la surface. Reprenant mon souffle, je crachais de l’eau qui sortait de ma bouche. Beurk, c’était horrible. Si je devais m’attendre à ça à chaque fois… « C’est pas pour aujourd’hui que je deviendrai une grande professionnelle du surf. » disais-je, en me frottant les yeux. Ma bouche était salée, et c’était assez désagréable d’ailleurs. Trent devait se tordre de rire. Ou alors il avait vraiment eu peur pour moi, mais ça m’étonnerait.

Je sais bien que je ne suis pas le meilleur ami qui puisse exister. Quand on me parle, j'ai tendance à me refermer comme une huître, surtout quand le sujet concerne mon style de vie. Et puis Hazel n'était pas du genre à faire attention aux réflexions que je lui faisais à longueur de journée, donc elle n'hésitait pas à commenter encore, même si c'était sur le ton de la rigolade et de la plaisanterie. Enfin, elle se concentrait assez vite de nouveau sur les exercices que je lui donnais.

Du coup, je lui proposais d'aller essayer dans l'eau. Bonne idée ? Je n'en sais rien. Mais je voulais voir si elle allait y arriver avec la détermination. Au pire, elle risquait juste de se faire retourner par une vague, c'est pas si grave que ça. Enfin, quand je vois les vagues actuelles, avec le vent qui soufflait, je me dis que c'est pas vraiment le jour idéal pour apprendre à surfer. Mais bon, elle l'a voulu, elle va l'avoir.

Elle prit sa planche et à son regard j'en faisais de même. Heureusement qu'on est en combinaison parce qu'autrement, on serait actuellement des glaçons avec la température vraiment basse de la mer. Je la suivais alors dans l'eau, restant un peu en retrait pour voir comment elle allait se débrouiller. Je restais assis sur ma planche, les deux jambes dans l'eau alors qu'Hazel était allongée sur sa planche, regardant droit devant elle. Elle est bien partie oui... jusqu'à ce qu'une vague arrive. Et là, c'est le drame. Enfin, un drame plutôt hilarant vu comment elle s'est pris la vague. Bon, ok, je lui ai pas appris comment l'éviter, si bien qu'elle a fini par prendre la tasse et se retrouver sans planche. Heureusement qu'elle a bien accroché la planche à sa cheville sinon, je sais pas comment elle l'aurait retrouvé. Je m'approche doucement d'elle, toujours assis sur la mienne.

- C’est pas pour aujourd’hui que je deviendrai une grande professionnelle du surf.
- Ça, c'est une certitude !, dis-je en continuant de rire. Tu préfères quoi : réessayer, me voir faire ou rentrer ?

A vrai dire, j'aimerais bien qu'elle dise rentrer afin que je prenne une bonne douche pour ensuite me caler dans le canapé pour me réchauffer. C'est pas qu'il fait froid mais... il fait vraiment froid et l'eau n'arrange rien du tout.

Je n’avais qu’une seule envie : sortir de l’eau et me détacher cette planche qui commençait à me comprimer mon pied. Le surf, finalement c’était bien que dans les films. Mais visiblement, la météo n’était pas avec moi aujourd’hui. En essayant de rejoindre le sable, je me prenais à nouveau une autre vague assez puissante qui me passait au-dessus de la tête. Hop un autre bouillon. Tant qu’à faire… Je n’avais pas assez de sel dans la bouche, en fait. La puissance de la vague me ramenait sur le sable mouillé. Je me retrouvais avec une algue verte sur la tête. Je tirais la langue, absolument dégoûtée par ce trop plein de sel que je venais d’avaler par inadvertance. Toujours à plat ventre sur le sable, je n’avais même pas envie de me relever pour voir la tête de Trent. Rappelez-moi pourquoi j’étais amoureuse de lui déjà ? Sentant la mixture gluante de l’algue, je l’enlevais délicatement avec deux doigts avant de la balancer sur Trent. « Montre-moi, monsieur je fais tout mieux que les autres ! » disais-je, sur un ton énervé. Il était rare que je monte en pression, mais là c’était à peine supportable. J’étais vexée et surtout honteuse. Comment je pouvais faire craquer un homme, qui se moquait de moi toutes les deux minutes. C’était presque peine perdue. Mais j’étais une fille coriace, et je savais ce que je voulais. Même si j’allais en payer le prix fort. Et même si je devais encore être repoussée. Je savais qu’il y avait autre chose, je le sentais. Je détachais la planche de mon pied, l’envoyant valser plus loin. Assise, genoux repliés vers moi-même, je boudais regardant les vagues se déchaîner sous mes yeux. En fait, j’aurai préféré que la vague m’emporte. Je n’avais même pas envie de regarder Trent faire sa démonstration. Bien sûr qu’il allait réussir à surfer, et montrer son côté supérieur. Hors de question de me laisser abattre, même si maintenant j’étais plutôt sonnée.

Je voyais bien à sa tête qu'elle regrettait alors son idée du jour. Le surf quand les vagues sont agitées, c'est pas vraiment le top, surtout quand on apprend comme Hazel. Mais bon, elle l'a voulu non ? Enfin, elle est finalement arrivée sur le sable, après une deuxième tasse d'eau de mer. Allongée, je m'approchais finalement d'elle puisqu'elle avait l'air dépitée. Je lui demandais alors son avis sur la suite des événements, en lui en proposant trois et forcément, elle choisit celui que je ne voulais pas. Enfin, c'était ma faute d'avoir proposé de lui montrer. Soit. Elle osa même me lancer une algue.

- Montre-moi, monsieur je fais tout mieux que les autres !
- T'es énervée ou quoi ?

Ok, elle avait de quoi être énervée, la nature s'acharnait contre elle aujourd'hui. Mais ce n'était pas une raison pour me parler sur ce ton, d'autant plus qu'à la base, je ne voulais même pas venir. Pour le coup, son ton énervé m'a également un peu énervé et je suis parti à l'eau.

- Essaye de regarder ce que je fais, tu essayeras de le reproduire la prochaine fois !, que je lui criais alors que j'étais déjà dans l'eau.

Une prochaine fois ? Je ne sais pas... mais sûrement que ça va la motiver à regarder vers moi puisqu'elle avait l'air ailleurs. Réfléchissant, je m'avançais mécaniquement vers les vagues. Je les esquivais toutes jusqu'à ce que je vois celle qui me plaisait. Prêt à la chevaucher, je me relevais et commençais donc à surfer sur la vague. C'était parfait, jusqu'à ce que je regarde dans la direction d'Hazel. A ce moment-là, j'ai perdu l'équilibre et boum! Tombé dans l'eau le Trent. C'était bien ma veine, moi qui souhaitait lui montrer comment faire. Enfin, toujours rester concentré, c'est la règle.

J’étais forcément vexée et dépitée de ne pas être arrivée à prendre la vague comme il le fallait. Avec moi, il fallait que ça vienne tout de suite sinon cela ne me satisfaisait pas. Je n’étais pas patiente pour certaines choses. Et j’étais exigeante en plus de ça. Alors oui, je m’étais légèrement énervée contre Trent. C’était plus de la jalousie qu’autre chose. Je me renfermais sur moi-même, en me rappelant de qui avait eu cette idée d’aller surfer à la Push. C’était moi. Et comme je le connaissais trop bien, je savais qu’il allait me rejeter la faute dessus. Je décidais donc de me taire et de laisser passer ma colère qui s’en allait comme elle était venue. Je l’écoutais crier depuis l’océan. Ah d’accord, il s’était quand même décidé à me montrer comment faire. Je relevais la tête pour l’observer. Qui sait, peut-être que ça pouvait me mettre un coup de fouet. Tout d’un coup, j’avais presque envie de le rejoindre. Je me relevais pour mieux le regarder. Il passait une à une les vagues d’une telle facilité… Moi, une seule m’avait suffi pour boire la tasse. Je râlais dans mon coin jusqu’à que j’aperçois le regard de Trent en ma direction. Tiens, il pensait à moi ? Je lui fis un petit sourire, avant de constater les dégâts à la seconde suivante. Trent s’était lui aussi fait embarquer par une grosse vague et terminait sa chute dans l’eau. J’avais presque envie de lui rendre la même chose, en ricanant de tout mon être. Mais bizarrement, je réagissais autrement. J’étais presque inquiète de ne pas le voir remonter à la surface. Je prenais donc l’initiative d’aller à l’eau pour le chercher. Il était peut-être emmêlé avec sa planche ou un truc comme ça. Nageant dans sa direction, je me retrouvais rapidement à ses côtés. Hazel, digne sauveteuse des mers. J’étais loin de ressembler à la mythique Pamela Anderson d’Alerte à Malibu. « Est-ce que ça va ? T’a pris une sacrée gamelle ! » disais-je, inquiète. Et là je m’attendais au drame. Ou plutôt « Je t’envoie bouler, merci je vais bien ». C’était toujours pareil. Je ne m’attendais pas à un miracle de sa part.

Je savais bien que les événements n'étaient pas comme Hazel l'espérait. Mais bon, que peut-on faire ? Les choses se passent comme elles se passent, un point c'est tout. Enfin, ok, elle n'est pas douée en surf mais ce n'est que la première fois qu'elle monte sur une planche donc normal qu'elle se prenne des vagues. Quoiqu'il en soit, c'était mon tour et j'étais dans l'eau, à l'aise avec les vagues. Tellement à l'aise qu'au moment où je regarde Hazel assise sur le sable, j'ai pas fait attention et je suis tombé à l'eau.

Avec la force des vagues et les remous de l'eau, je n'arrivais pas à remonter à la surface. C'était un peu effrayant sur le coup, je l'avoue. Mais au bout d'un moment, la nature était à mes côtés et je retrouvais de l'oxygène dans mes poumons, dieu merci. Je mis plusieurs secondes à me remettre de mes émotions et je remarquais ensuite qu'Hazel est à côté de moi, inquiète.

- Est-ce que ça va ? T’a pris une sacrée gamelle !
- M'en parle pas ! J'aurais pas du lâcher mes yeux de la vague.

La vérité, c'est que je l'avais regardée elle... pour une raison que j'ignore. Et si je ne l'avais pas regardé, j'en serai pas là à quémander pour de l'oxygène. Toujours tous les deux dans l'eau, reprenant mon souffle, je ne pouvais pas m'empêcher de regarder Hazel, comme quand j'étais sur la planche. Pourquoi ? Aucune idée. Le fait est que c'est assez troublant puisqu'elle me rend ce regard et une ambiance s'installe entre nous.

Heureusement pour Trent, il était saint et sauf. Au moins, je n’étais pas responsable de sa potentielle noyade de ce surfeur confirmé. Il mettait tout ceci sur le compte de la concentration et le fait de toujours rester concentré sur la vague. Si je me souvenais bien, il était en train de me regarder et non en train de fixer la vague. Est-ce que je devais lui souligner ou alors prendre le risque de faire face à l’immense carapace de Trent ? Les mots étaient en train de me démanger… « Ou alors tu n’aurai pas du me regarder, c’est ça. » disais-je, en le cherchant du regard. Je l’observais en train de reprendre ses esprits. Un peu plus et Trent aurait pu avaler une grande quantité d’eau dans ses poumons. Le cours improvisé de surf s’arrêtait là pour aujourd’hui. Je n’avais pas envie d’avoir une mort sur la conscience. Ou bien la mienne en réalité. Puis Trent m’avait foutu une sacrée frousse. « Respire doucement… » disais-je, en posant ma main sur son épaule. Je soutenais son regard depuis déjà quelques bonnes longues secondes. Quelque chose s’installait entre nous. Il n’y avait pas besoin de mots, juste ce regard… Si je pouvais m’évanouir sur commande, je le ferai immédiatement. Un petit sourire se dessinait sur mes lèvres, timidement. Ce moment silencieux semblait presque interminable. Je n’avais pas envie de tout gâcher, mais ça me démangeait. « Pourquoi tu me regardes comme ça ? » disais-je, doucement. Je m’attendais à une excuse bidon de sa part. Je ne pouvais pas espérer mieux en fait. Il était tellement fermé, tellement différent de moi. J’étais à des années lumières même. Mais il me plaisait, et ce depuis de nombreuses années. J’enlevais ma main de son épaule, un peu gênée en me raclant la gorge.

Je reprenais lentement mais surement mes esprits après cette chute dans l'eau après un manque de concentration. Je le savais, je le savais. Mais pourtant, j'ai pas pu m'empêcher, pour une raison que j'ignore, regarder en direction d'Hazel pendant que je chevauchais une vague. Complètement idiot comme comportement, pour preuve. Je me retrouve à reprendre mes esprits et mon souffle au milieu d'une mer agitée.

- Ou alors tu n’aurai pas du me regarder, c’est ça.
- Entre autres ouais.

Autant l'avouer tout de suite, puisqu'elle l'avouait elle même. Enfin, ma réponse ne la gênait pas tant que ça puisqu'elle faisait attention à moi malgré tout. C'était quand même bizarre cette tendance qu'elle avait à être comme ça avec moi. Toujours en train de me coller au basque malgré mes nombreux "râteaux".

- Respire doucement…

Je m'exécutais, respirant doucement, tout en la regardant. Et ça, j'ai pas pu me stopper de le faire. Je la regardais, mon souffle se ralentissant alors doucement. Même qu'une fois que j'étais plus calme, je continuais de poser mon regard sur elle, sans arriver à le détourner. Je la voyais même sourire mais je ne faisais rien. Juste... je la regardais. Jusqu'au moment où...

- Pourquoi tu me regardes comme ça ?

Et là, ça casse tout ! Cassé dans le moment, je me mets à regarder tout autour de moi, comme si je reprenais conscience de la réalité. Puis je posais à nouveau mon regard sur elle, beaucoup plus sérieux.

- T'as une algue dans les cheveux.

Je l'éclaboussais alors doucement avant d'attraper ma planche et monter dessus pour m'allonger à plat ventre. Il est temps de rentrer, elle et moi l'avions bien compris. Je me remets à nager vers la plage afin de retrouver la terre ferme.

Il y avait cette connexion entre nous, maintenant je le savais. Ce regard, je ne pouvais pas l’oublier de sitôt. Il était gravé en ma mémoire pour toujours. Bon ok, j’exagérais peut-être un peu mais il me marquait. Trent était bizarre, et je sentais que je le mettais mal à l’aise. Pourtant, il me repoussait de tout son être. Je ne comprenais vraiment pas. En tout cas, j’avais l’impression d’avoir gâché ce moment avec ma question à deux dollars. Vu la tronche qu’il tirait. J’avais encore fait une boulette, encore une à rajouter à mon palmarès nombreux de : Je veux séduire Trent mais je n’y arrive pas. Il m’annonçait alors que j’avais une algue dans les cheveux. Argh, je détestais les algues. C’était gluant, visqueux et puis quand on se prenait les pieds dedans, il était difficile d’en échapper. Je n’avais même pas le temps d’ouvrir la bouche, qu’il m’éclaboussait avec sa main probablement pour essayer de me l’enlever. Ou alors pour éviter tout contact physique qui provoquait cette connexion. Pourquoi il restait autant fermé comme ça… Je devais lui faire cracher le morceau coûte que coûte. Je le regardais s’éloigner, en haussant les épaules. « Ne m’attends pas surtout, on ne sait jamais je peux me noyer ! » disais-je, avec ironie. Je soupirais. Bref, il avait envie de rentrer et puis de toute façon je commençais à avoir froid. Je nageais jusqu’au sable puis me dirigeais silencieuse vers les vestiaires. Avant d’entrer dans la cabine, il y avait encore ce « regard » entre nous. Nos chemins se séparaient. Je me changeais en vitesse, prenant soin aussi d’utiliser le sèche cheveu mis à disposition dans les vestiaires. Je détestais avoir les cheveux mouillés. Puis je sortais, attendant Trent qui était visiblement à la bourre. Je tremblotais dans ma petite veste, capuche sur la tête. Le vent commençait vraiment à être violent. « Je t’attends dans la voiture ! » disais-je, tremblante. Je me retournais, en direction de ma Cadillac. Au moins, le chauffage fonctionnait bien dans cette vieille caisse. Qu’est-ce que je l’aimais… Ma Cadillac oui, mais Trent aussi.

Pour une raison qui m'échappe, j'ai eu cette connexion du regard avec Hazel, une connexion assez étrange. Je n'ai encore jamais ressenti quelque chose de ce genre et c'était assez troublant. Heureusement -ou pas- elle a coupé court à ce moment échangé en disant encore du caca. Bref, j'avais une excuse en or sur ce que je regardais -bien que c'était faux- : l'algue présente sur sa tête. A sa réaction, je me mis instinctivement à rire tellement la scène était drôle. Et puis je me remis à nager vers la plage après l'avoir éclaboussé, pour le plaisir.

- Ne m’attends pas surtout, on ne sait jamais je peux me noyer !
- Dépêche-toi alors !

Une fois à mon niveau, je me remettais à nager vers la terre. Dès que c'était fait, on se dirigeait tous les deux vers les vestiaires. Aucun mot, juste un regard. J'en avais des frissons dans le dos tellement ça me faisait peur cette connexion. Enfin, ma planche à l'extérieur, je me changeais doucement. A vrai dire, j'avais peur de la retrouver et d'éprouver de nouvelles choses. Donc je prenais mon temps. Jusqu'à ce qu'elle ait fini et me rappelle en quelque sorte à l'ordre.

- Je t’attends dans la voiture !
- Ok, je te rejoins !

Je me dépêchais alors et puis une fois tout habillé, je sortais. J'attrape ma planche et me dirige vers la voiture. La posant dans le coffre, je m'assurais qu'elle tienne bien avant de m'installer côté passager dans la voiture.

- On rentre ? dis-je en me frottant les mains à côté du chauffage. Je me rends compte que j'avais vraiment froid dehors.

C’était bizarre, mais en même temps tellement plaisant. Je sentais qu’il y avait quelque chose entre nous, mais c’était impossible à y mettre un mot dessus. C’était flippant aussi. Parce que je devais très certainement me faire des films comme d’habitude. Je regardais trop souvent ces films romantiques. Il y avait toujours des passages avec des longs regards, qui terminaient souvent par un baiser. Dans ma situation, on pouvait oublier la partie du baiser. Il était tellement… incompréhensible parfois. Je n’avais pas envie de souffrir une nouvelle fois. J’avais tellement envie que Trent soit le bon. J’espérais de toutes mes forces, mais si je ne faisais pas le premier pas… Qui allait le faire concrètement ? Grelottant dans ma voiture, je le regardais arriver vers la voiture après quelques minutes de retard. Il était temps de rentrer en effet, même si je n’avais pas forcément apprécié cet après-midi comme il le fallait. Je m’étais attendue à beaucoup plus que ça, entre nous. Mais ce qui se passait n’était pas si mal que ça. Mais je voulais toujours plus. J’étais trop exigeante dans mes relations décidément. « Ouais, on rentre. Je meurs de froid. » disais-je, en augmentant le volume du chauffage. Démarrant la voiture, je l’écoutais ronronner en essayant de me détendre. Est-ce que j’avais vraiment tout gâché tout à l’heure dans l’eau ? Enlevant le frein à main, je prenais la direction de la maison de Trent. Pendant le trajet, c’était silencieux. On pouvait presque entendre les mouches voler. Je sentais une tension, quelque chose qui n’allait pas. En pleine route, je décidais alors de mettre un gros coup de frein sur la voiture. Je me tournais vers Trent. « Qu’est ce qui se passe ? J’ai fais un truc qui ne t’a pas plu tout à l’heure ? » disais-je, en le cherchant du regard. C’était une obsession mais je devais avoir des réponses à mes questions.

Ce qui s'est passé dans l'eau reste encore inexplicable et ça ne cesse de me faire réfléchir. Pendant tout le temps que j'étais en train de me rhabiller, je ne cessais de penser à ça, jusqu'au moment où je me suis retrouvé dans la voiture, en sa compagnie. Je lui demandais si on pouvait rentrer puisque je n'avais qu'une envie : me poser dans mon canapé avec un bon café chaud.

- Ouais, on rentre. Je meurs de froid.
- La même...

Ouais, me baigner dans de l'eau gelée, c'était pas vraiment mon truc alors forcément, j'étais frigorifié. J'étais quand même content de savoir que je n'étais pas le seul dans ce cas. Au moins, elle savait maintenant que c'était pas une bonne idée de surfer par un temps pareil, même si c'était au départ une bonne intention. Le chauffage monté, je me réchauffais doucement alors qu'elle conduisait. Il n'y avait aucun son dans la voiture, aucun de nous ne voulait évoquer ce qu'il s'était passé plus tôt. Du moins, je ne voulais pas l'évoquer. Je me suis rendu compte que j'étais le seul quand elle s'est mise à freiner en plein milieu de la route.

- Qu’est ce qui se passe ? J’ai fais un truc qui ne t’a pas plu tout à l’heure ?

Elle s'était tournée vers moi, prête à avoir toutes les réponses qu'elle voulait avoir. Seulement, je n'étais pas prêt à les lui donner. Il faudrait déjà que je sache ce qui s'est passé, comprendre pourquoi on en était arrivé à ce point précis.

- Tu veux pas rentrer avant, histoire qu'on soit vraiment au chaud ?

Je l'avoue, j'étais mal à l'aise et c'était la seule réponse que je pouvais lui donner maintenant. Mais elle n'était pas prête à repartir sans avoir ne serait-ce qu'un bout de réponse. Je soupirais alors, comprenant qu'on partirait pas sans une petite contribution de ma part. Elle me fixait depuis qu'on était à l'arrêt et, pour une fois, je la fixais à mon tour.

- Je suis perdu, ok ? Je suis perdu parce qu'il s'est passé un truc et je sais pas l'expliquer. C'est pas toi, c'est moi. Alors ne te blâme pas et ramène-moi chez moi s'il te plait.

Je m'étais en quelque sorte déballé devant elle et j'aimais pas cette sensation de vulnérabilité. Tout ce que je voulais à présent, c'était me retrouver seul. C'est ma seule volonté pour le moment.

Tout ceci était quand meme un peu théâtral mais je me connaissais. Quand j’avais quelque chose en tête, il me fallait immédiatement des réponses. Trent n’y échappait pas. A vrai dire, je le mettais souvent dans ce genre de situation. Mais aujourd’hui, c’était différent. Je sentais qu’il y avait autre chose. Je me sentais presque fautive, avec cette impression d’avoir fait quelque chose de mal. Je n’étais vraiment pas décidée à le raccompagner chez lui tant que je n’avais pas de réponses. Puis ensuite, ce fut la gifle. La claque, que je me prenais virtuellement à chaque fois. Trent se refermait comme une huître, me laissant silencieuse avec un gros point d’interrogation au milieu du front. Cette fois-ci, il ne pouvait pas fuir. « Cesse de toujours te renfermer sur toi-même. Grandis un peu. » Ce que je venais de lui dire pouvait lui faire du mal, j’en étais consciente. Mais ce n’était rien face à tout ce qu’il me balançait pratiquement tous les jours. Larmes aux yeux, je remettais le contact pour partir en direction de son domicile. Je n’avais qu’une hâte : rentrer chez moi, me rouler en boule sous la couette et oublier tout ça. Après quelques minutes d’un voyage interminable, j’arrivais enfin devant le domicile de Trent. Je ne pouvais pas rentrer chez lui, ça me faisait trop mal. Au final, j’étais tout aussi perdue que lui. Je le laissais descendre, et récupérer sa planche sans le regarder. Je n’avais qu’une envie, c’était fondre en larmes. Mais je me retenais véritablement pour ne pas passer pour cette fille sensible qui pleure pour rien. Je pleurais tout le temps après avoir quitté Trent. Il me faisait mal, il me repoussait et pourtant Dieu (et quelques autres personnes) savait à quel point je l’aimais. C’était aussi ça l’amour, il fallait d’abord souffrir pour ensuite goûter enfin au bonheur. Le chemin était pour le moment compliqué.

On s'est retrouvé à l'arrêt au beau milieu de la route pour une raison que seule Hazel connait. Sa volonté de savoir le pourquoi du comment sur ce qu'il s'est passé tout à l'heure, sur l'ambiance régnant dans la voiture depuis que je me suis installé sur le siège passager étaient les raisons de notre arrêt. Je lui avouais ce que j'avais sur le cœur d'une manière assez directe, chose qu'Hazel a mal pris.

- Cesse de toujours te renfermer sur toi-même. Grandis un peu.
- Je suis comme ça et si ça te plait pas, tu n'as qu'à passer ton chemin.

C'était la dernière chose que j'avais à dire sur la situation. Je restais à présent silencieux attendant qu'elle se remette à conduire. Dès que ce fut le cas, je tournais la tête vers la fenêtre de ma portière et regardais le paysage qui nous entourait. Des arbres immenses, avec leurs feuilles vertes égayant l'image qui nous était offerte.

C'était également en silence qu'on est arrivé devant chez moi. Je sortais de l'habitacle, me dirigeant vers le coffre pour récupérer mes affaires et ma planche de surf. Je refermais sa voiture et je jetais un coup d’œil vers elle. Aucun regard en ma direction, ça voulait tout dire. Alors sans un au-revoir, je me dirigeais vers ma porte et pénétrais dans ma maison avec un dernier regard vers elle avant de refermer.